22 janvier 2007

Monsieur Léon

«Écrire purement en français, c'est un soin et
un amusement
qui récompense quelque peu
l'ennui d'écrire.
» (Paul Valéry, Tel Quel.)
Très récemment, j'ai visionné Maurice Richard, un film de Charles Binamé racontant la vie et la bataille qu'a menées le Rocket pour soutenir sa langue et son statut de petit Canadien-Français dans un monde féroce d'anglophones. Cela m'a rappelé à quel point, le français, cette si belle et complexe langue, tient qu'à ceux et celles qui le protègent et qu'il en faut peu pour qu'on le massacre.

L'été dernier, à la fin d'une belle journée de travail sur mon vélo, j'attendais que mon répartiteur me donne ses salutations pour la fin de semaine pour enfin aller rejoindre Stephen et boire une bonne bière fraîche sur sa terrasse de la rue Brébeuf, à regarder les cyclistes souriants et chantant sur la piste cyclable qui passe juste devant. Donc, j'attendais le signal, assise sur un banc de la rue Laurier à regarder tout autour de moi pour passer le temps. C'est alors que je vois cette horreur aux gros seins me regarder et m'inviter à me joindre à cette stupidité de TéléMatch. Plusieurs d'entre vous ont sûrement déjà fait face à cette publicité qui démontre à quel point c'est facile de massacrer le français. La première fois que j'ai aperçu cette pub, elle était apposée sur un support à vélo de la rue Laurier. Après, je l'ai vue partout: sur les supports à vélo de la ville, sur des poubelles, sur l'autoroute 20 ainsi qu'au coin Bleury et Viger, version géante. Bon, ce n'est pas qu'une simple affiche où l'on nous invite à nous trouver un partenaire en appelant au 341-1001. C'est aussi une monstruosité au fond jaune où une fille, légèrement vêtue, nous interpelle en nous disant: «Montréal, ont vous attend.» PARDON!!!!!!!!

Si je me rappelle bien, en deuxième année du primaire, nous apprenons que si «ON» peut se remplacer par «Léon», alors il ne prend pas de «t». Pour ceux qui sont plus avancés, «ONT» s'écrit avec un «t» lorsqu'il est la conjugaison du verbe Avoir à la 3e personnes du pluriel au présent de l'indicatif. Faisons l'exercice ensemble. Dans la phrase, «Montréal, ON ou ONT vous attend.» pouvons-nous dire: Montréal, Léon vous attend. Oui, alors pourquoi avoir mis un foutu «t» à la fin du mot? En plus, «Léon» devient ainsi un incitatif pour les demoiselles qui voudraient bien lui lâcher un coup de fil. Ok, ce n'est qu'une petite faute d'orthographe. Le problème c'est que cette petite faute d'orthographe a été placardée sur nos paysages montréalais tout l'été et tout l'automne. Mais ce problème ne s'arrête pas là: un drapeau du Québec est superposé au fond jaune de la publicité. Pour ma part, c'était la goutte qui a fait déborder le vase.

Ce soir là, arrivée chez Stephen, je devais lui faire part de cette mauvaise découverte. Ce dernier, est un anglophone qui maîtrise son français depuis que quelques temps. Je lui demande alors, sans choix de réponse, comment il écrirait le «ON» de cette fameuse phrase. De me répondre avec son charmant accent d'anglais qui parle un peu le français: «Ben, O-N!!!», énoncé avec certitude. J'ai fait le test avec plusieurs anglophones et les réponses étaient toujours les bonnes. Alors, que ce soit un concepteur anglophone ou francophone qui a écrit ce slogan, il n'y a pas d'excuse à cette erreur. Tous le monde sait que dans la phrase «On vous attend.» le «ON» ne prend pas de satané «T».

J'ai décidé de poser un geste pour ma langue maternelle que j'adore et j'ai appelé à l'Office de la langue française pour émettre une plainte à l'égard de TéléMatch. Malheureusement pour nous, petits Québécois francophones, la loi ne couvre pas le respect de la langue mais se charge plutôt d'assurer un affichage en français. Laissez-moi vous dire que je trouve ça triste (pas autant que les massacres que l'on fait à notre planète, mais là n'est pas le sujet) et je crois que nous devrions nous forcer à faire les choses jusqu'au bout. Nous voulons protéger notre langue mais rien n'est réellement fait pour y arriver.

Je crois totalement normal de faire des fautes d'orthographes, après tout l'erreur est humaine. Toutefois, il est beaucoup moins normal de ne pas se relire ou bien de ne pas se faire corriger par quelqu'un de compétent avant de publier une publicité affichant fièrement un symbole d'une société francophone avec une faute d'orthographe insérée subtilement à côté d'une paire de gros seins, dont même un enfant de 8 ans serait capable de déceler, et qui doit se retrouver dans tous les coins de la ville. Parce qu'après tout, nous l'aimons notre langue.

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